Elle s’appelle Esther NJOMO épse OMAM résidente à Buea. Elle est la Directrice Exécutive de REACH OUT, une organisation non gouvernementale à but non lucratif créée en 1996. La structure a son siège social à Buea, dans le département du Fako, région du Sud-Ouest Cameroun. De passage à Yaoundé, la capitale du Cameroun, dans la région du Centre, cette dame charismatique a accordé une partie de son précieux temps à actu24.info dans un hôtel de la place. Entretien avec la directrice exécutive de REACH OUT. La quinquagénaire au teint clair, plutôt relax est heureuse de nous recevoir. Confidences.
Actu24.info : Parlez-nous de vos débuts, votre carrière, comment avez-vous commencé ?
Esther Omam Njomo : Je sors d’une famille humble, mes débuts n’ont pas été faciles, ce que j’ai vécu dans mon enfance a permis que je mène ces actions aujourd’hui. J’ai vu la souffrance, la discrimination, la marginalisation que subissaient les femmes, ma mère et moi en sommes des exemples, ici à Douala où je suis née et dans la région du Sud-Ouest. C’est cela qui m’a poussé à me focaliser sur les enfants et les femmes. J’ai constaté qu’il y avait un problème d’accès à l’information, aux services de base, problème que les femmes ont pour écouler les produits qui sortent des champs. Je me suis dit si je me trouve dans une situation pareille, harcelée, marginalisée, il faut faire quelque chose pour s’en sortir. La situation déplorable des personnes vulnérables m’a poussé à faire ce que je fais aujourd’hui avec Reach Out.
Actu24.info : Quelles sont les actions menées par REACH OUT ?
Esther Omam Njomo : Reach Out est une organisation non gouvernementale à but non lucratif créée en 1996. Son siège social est à Buea, nous avons trois bureaux différents à Buea, nous avons aussi les bureaux à Kumba, à Ekondotiti, à Bamenda, un point focal à Douala et à Yaoundé. Nous avons trois domaines d’intervention, la santé ; la gouvernance et les droits humains d’où sort l’aspect de paix et le troisième domaine est celui de la création des richesses. Nous avons constaté que les personnes marginalisées ont besoin de moyens quand il faut renforcer leurs capacités, nous ne pouvons pas parler des hommes, des missions sans moyens, nous croyons à cette phrase qui dit : « Là où il y a des hommes il doit y avoir une mission et des moyens pour qu’ils puissent accomplir ces missions ». Nous le faisons depuis 26 ans, mais aujourd’hui nous sommes dans un contexte de fragilité, les crises de conflits dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOSO), nous nous penchons sur l’humanitaire, paix et médiation car les aspects de développement ne passent plus étant donné que nos cibles sont devenues des réfugiés et des déplacés internes.
Actu24.info : Parlez nous des actions futures de REACH OUT
Esther Omam Njomo : Nous comptons continuer à appuyer, assister, renforcer les capacités des personnes vulnérables, les personnes qui subissent les injustices au quotidien, surtout les enfants et les femmes. Nous sommes entrain d’étendre nos services dans d’autres régions. Nous avons commencé dans la Sud-Ouest, aujourd’hui nous sommes dans le Nord-Ouest, Littoral, à l’Ouest et à l’Extrême-Nord. Nous allons arriver dans les autres régions pour toucher plus de personnes.
Actu24.info : Le 31 juillet dernier lors de la 60ème édition de la Journée de la Femme Africaine célébrée à Yaoundé, le ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille a primé des femmes camerounaises qui rehaussent le statut de la femme sur le plan national et international. Vous étiez parmi les heureuses élues. Qu’est ce qui fait votre force ?
Esther Omam Njomo : Je ne sais pas ce qui a fait que je sois parmi les lauréates, je crois que mes œuvres sur le terrain parlent d’elles. Nous avons été la toute première organisation à faire dans la riposte humanitaire quand nous avons eu la crise anglophone, nous avons aussi été la première structure à créer les espaces des femmes pour permettre aux femmes de mieux s’exprimer sur les questions de conflits et de gestion de paix. Aujourd’hui nous avons plusieurs dames qui prônent la paix dans le NOSO et dans d’autres pays. Reach Out a donné l’opportunité aux femmes d’avoir cet espace, et beaucoup d’étudiantes sont des doctorantes, des auteures aujourd’hui. Nous avons pu soutenir plus de 600 mille personnes déplacées internes et autres catégories. Nous avons donné la voix aux femmes qui sont à Bakassi. Vous savez qu’il y a eu un conflit à Bakassi, ce conflit a bien touché le Cameroun, nous étions la seule organisation à avoir travaillé là-bas pour les questions de paix, nous avons renforcé les capacités des femmes, on leur a donné les voix, nous avons fait que leur intérêt soit pris en compte dans les programmes de municipalités, les programmes nationaux, on leur a fait porté l’aspect citoyenneté en les amenant à la célébration du cinquantenaire de la réunification qui avait été présidée par le chef de l’Etat Paul Biya. Nous avons pu faire sortir 100 femmes de Bakassi qui n’avaient jamais vu la ville de Buea, elles ont pu découvrir les moments de citoyenneté en ayant une estime de soi. Ceci nous a donné une plus grande visibilité. Je me dis que ces actions palpables ont permis qu’on nous reconnaisse aujourd’hui. Je ne manquerai pas de dire que nous avons été la toute première organisation à porter le flambeau du soutien aux orphelins et aux enfants vulnérables. Aujourd’hui les résultats parlent, nous avons des femmes maires ; des femmes sénatrices ; des conseillères municipales ; des entrepreneures ; des fonctionnaires grâce à Reach Out, elles ont été encadrées par cette organisation. Nous avons aussi des femmes qui ont une stabilité dans les ménages. Avec l’avènement du VIH/SIDA, les femmes étaient stigmatisées, elles ont subi les pires formes de violence et étaient considérées comme des sorcières. Certaines ont connu le divorce alors qu’elles avaient été infectées par leurs époux. Les gens ignoraient véritablement cette pandémie, il a fallu qu’on s’y mette et nous avons créé une centaine de comités de lutte contre le sida dans le Sud-Ouest où les femmes ont été bénéficiaires. Nous fûmes la toute première organisation à faire les soins à domicile. Quand il y a des problèmes, des fléaux ou des vices, Reach Out se met en avant-garde, c’est ça qui fait notre réputation, c’est ça qui nous donne cette reconnaissance aujourd’hui, nous ne pouvons qu’être humble et dire merci à Dieu d’avoir fait que notre travail, notre dur labeur soit reconnu. Nous travaillons beaucoup sur le terrain, les comités croient en nous.
Actu24.info : Comment entrevoyez vous l’avenir de la femme africaine en général et celle de la camerounaise en particulier ?
Esther Omam Njomo : Le statut de la femme camerounaise est entrain d’être amélioré le jour le jour parce qu’il y a des sessions de plaidoyer qui sont entrain d’être menées, qui ont été menées et qui continueront à être menées. Avant nous n’atteignons pas 30% de femmes au niveau électoral, mais aujourd’hui nous y sommes. Par exemple le 11 octobre dernier, j’ai emmené une délégation à Yaoundé pour voir le premier ministre sur l’aspect représentation des femmes dans les instances de mécanismes de dialogue national et aussi politique. Je crois que nous allons y arriver, le statut sera amélioré étant donné que nous essayons de renforcer, de localiser l’aspect de la 1325 qui parle de Femmes, Paix et Sécurité. Quand nous parlons de l’agenda Femmes, Paix et Sécurité, nous le vulgarisons pour que les femmes surtout celles de l’arrière-pays s’imprègnent de la 1325, qu’elles puissent connaître leurs droits et les réclamer le moment venu. Nous avons les femmes au niveau communal, au niveau des villages qui ne s’y connaissaient pas, sont aptes aujourd’hui, mènent les mêmes activités car nous avons renforcé leurs capacités.
Actu24.info : Comment conciliez-vous vie familiale et vie professionnelle ?
Esther Omam Njomo : Ce n’est pas facile. Avant de le faire j’avais vraiment prié et demandé à Dieu de me donner la grâce, quand mes enfants sont déjà grands pour vaquer aisément à mes occupations. J’ai trois vies, à savoir : religieuse, maritale et professionnelle. Quand tu ne me trouves pas chez moi, je suis soit à l’église, soit au travail. Quand je ne suis pas là, je communique avec les miens à tout instant. Aujourd’hui ce jeudi 13 octobre, tu es entrain de m’interviewer, je ne suis ni à la maison, ni dans mon bureau, ni à l’église parce que je suis allée au front. Quand je suis hors de chez moi j’ai toujours le contact avec ma famille, j’essaie d’organiser une ou deux choses à distance, donner des conseils, je fais de même avec mes collaborateurs, je ne serai pas là éternellement, nous avons d’autres personnes qui se préparent à prendre la relève.
Actu24.info : Merci d’avoir répondu aux questions sur notre site d’informations générales, votre mot de fin.
Esther Omam Njomo : Je te remercie Carole pour cet entretien, les médias sont nos amis, c’est à travers les médias que le monde arrive à comprendre et à connaître ce que nous faisons au quotidien. Sans les médias nous ne serons pas là. Je te remercie une fois de plus de m’avoir donné l’opportunité d’utiliser ta plateforme médiatique pour faire connaître Reach Out et sa directrice exécutive Esther Omam Njomo.
Esther Omam Njomo est mariée depuis 1984, mère de trois enfants, avec son grand cœur d’amour elle en a adopté plusieurs, cette quinquagénaire est titulaire d’une MBA en Humanitaire spécialisée en gestion des ONG. Active, entreprenante, ambitieuse, la Directrice Exécutive de Reach Out ne compte pas s’arrêter là, elle a encore beaucoup à faire pour sortir les personnes vulnérables de leurs difficultés et aider encore bon nombre de femmes à être autonomes mieux indépendantes. Bon vent à cette brave dame.